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Un couple et leurs huit enfants sont soupçonnés d'être partis cet été faire le djihad en Syrie en camping-car. Au moins deux fils ont trouvé la mort. L'incertitude demeure sur le sort des autres. Europe1 vous raconte leur histoire.


Chemise blanche impeccable, cravate dénouée, sourire aux lèvres. Comme tous les jeunes de son âge, Nadir sortait en boîte de nuit avec ses amis et immortalisait ses soirées sur Facebook. Cette vie, c'était avant sa radicalisation express, dans le courant de l'année 2014.

Car sur les dernières images publiées sur son profil Facebook, le jeune homme de 26 ans apparaît cette fois cagoulé, le doigt levé, une kalachnikov à la main. En juillet 2014, Nadir a rejoint les rangs de l'Etat islamique, en Syrie. Un voyage qu'avait fait son frère quelques mois avant lui. Un voyage que fera toute sa famille. Et qu'Europe 1 vous raconte en exclusivité
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UNE RADICALISATION ÉCLAIR ET DISCRÈTE

 

C'est à Annemasse, où la famille a emménagé en 2012, que la fratrie a présenté des premiers signes de radicalisation. Après avoir quitté Strasbourg en 2011, et passé quelques mois à Mulhouse, la famille s'est installée dans un quartier insalubre de cette ville de Haute-Savoie. L'une des voisines se souvient très bien de leur arrivée, en camping-car, dans le courant de l'année 2012.

 

Très vite, les enfants se sont fait remarquer par leurs incivilités et leur manque de politesse. "Dans le quartier, c'était assez compliqué. Il y avait toujours quelque chose. On voyait les enfants tous les jours. Ils jouaient derrière la maison, ils passaient à vélo, avec les patins. J'ai eu pas mal de problèmes. Ils étaient au-dessus de chez moi et il y avait souvent des fuites d'eau. On voyait la mère faire ses courses. Le père n'était pas toujours là", se souvient une voisine.


Si les parents ne présentaient aucun signe de radicalisation, ce n'est pas le cas de deux des enfants : Nadir et Mina. Cette dernière a en effet eu plusieurs démêlés avec la police pour port de voile intégral. Son frère, lui, se promenait en djelaba dans le quartier. A cette époque, sa passion pour le foot le mène en banlieue lyonnaise, à deux heures du domicile familial.  C'est donc avec surprises que son entraîneur, qui plaçait beaucoup d'espoirs en lui, le voit quitter le club, en juin dernier. Nadir lui explique alors qu'il souhaite se rapprocher de sa famille.





- RÉCIT-


Le voyage funèbre d'une famille strasbourgeoise

en Syrie

UNE ENQUÊTE DE

GUILLAUME BIET

ET

FRÉDÉRIC MICHEL


Avec des textes de Cécile Bouanchaud




Réalisation : Maud Descamps 

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Pour écouter le témoignage de l'ancienne voisine, cliquez ici

Le voyage funèbre d'une famille strasbourgeoise en Syrie

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LE FOOT, LES SOIRÉES ET LES POTES

Originaire de Strasbourg, la fratrie de huit enfants a grandi dans la cité Ampère, un quartier défavorisé de la ville, où le taux de chômage est particulièrement élevé. Nadir (26 ans), Mohamed (19 ans), Mina (17 ans), Ouafa (entre 6 et 7 ans), et les autres ont passé le plus clair de leur enfance entre les murs de leur modeste barre HLM, située à deux pas de l'école maternelle. Les voisins qui les ont vu grandir décrivent des enfants turbulents, jouant souvent au ballon devant chez eux.

 

Nadir pratiquait d'ailleurs le football dans le club de son quartier, avant de rejoindre l'AS Neuhof, un quartier sensible de la ville. Considéré comme un bon joueur, il a ensuite rejoint le club de Schiltigheim, en banlieue strasbourgeoise. "C'était quelqu'un plutôt réservé, mais qui se donnait à fond, qui était un bon joueur de football. Il jouait au milieu-offensif", se souvient un de ses amis, qui décrit un jeune homme tout à fait normal. "Il était comme tout le monde, il sortait le samedi soir faire la fête. Le dimanche, il avait ses matches de foot. En semaine, il devait trainer, faire des petites bêtises, comme beaucoup de jeunes. C'est un jeune qui devait avoir un casier judiciaire, ça paraissait évident", reconnaît-il. Selon nos informations, Nadir avait en effet un casier judiciaire bien fourni, mais pour des petits délits.

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LE FOOT,

LES SOIRÉES

ET LES POTES

De leur vie à Strasbourg, rien ne laissait donc présager une telle radicalisation. "Il était croyant, mais ce n'était pas un fanatique, il ne présentait pas de signes religieux visibles. Il n'en parlait pas spécialement. Par rapport à ça, c'était surprenant de le voir partir là-bas, du jour au lendemain, quasiment", constate l'ancien camarade de Nadir. Dans le quartier, rien ne laissait penser au voisinage que la famille était musulmane pratiquante. La mère, Melika, ne portait par exemple pas le voile et ne fréquentait pas la mosquée.

"Il était croyant, mais ce n'était pas un fanatique"


- un ami de Strasbourg-

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UNE RADICALISATION ÉCLAIR ET DISCRÈTE 

"On voyait la mère faire ses courses.

Le père n'était pas toujours là"

- une voisine-


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UN VOYAGE FUNÈBRE VERS LA SYRIE



VOYAGE FUNÈBRE VERS LA SYRIE

 

"Une famille qui, un mois plus tard, décide de partir en Syrie, récupérer le corps de Mohammed, mort dans les combats. En mars 2014, Mohammed a en effet été le premier à quitter le domicile familial pour la Syrie. Inquiète sa mère, Melika, signale son départ au commissariat d’Annemasse.

Le parquet antiterroriste de Paris ouvre alors une enquête préliminaire sur le départ d'un Français dans le cadre d’une entreprise terroriste à l'étranger. Les services de renseignement s'intéressent à Nadir, susceptible lui aussi de partir en Syrie."

 

Et ça ne loupe pas. Malgré ce signalement, Nadir parvient le même mois à quitter la France pour la "terre sainte". Un voyage qu'entreprend le reste de sa famille quelques jours plus tard.

"On a constaté qu'en haut, il n'y avait plus personne, plus un meuble, plus rien. Depuis leur départ, plus de nouvelle, rien du tout. Le courrier s'entasse dans leur boîte aux lettres", constate une voisine. Pour éviter d'alerter les services des renseignements, le couple et leurs six enfants ont pris la route en camping-car, sans prévenir personne.

 

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Le 13 août, Nadir poste des messages et des photos sur Facebook. Sa présence en Syrie fait alors peu de doute. Le jeune homme apparaît, cagoulé, en plein désert, kalachnikov à la main.

"Là, je suis en Syrie. On bouge un peu partout : en Syrie, en Irak. On avance, jusqu'à ce qu'on arrive en Palestine, Insha'Allah, pour égorger tous ces juifs, tous les ennemis d'Allah. D'ailleurs, là, on a enfin un Etat islamique, Alhamdulillah. Il y a tout ce qu'il faut. Les frères et soeur veulent venir", écrit-il sur son profil Facebook, dans un français truffé de fautes d'orthographes. Il appelle également tous ses contacts à venir le rejoindre en Syrie.

 

Il est rejoint courant août par toute sa famille. En atteste un nouveau message Facebook, publié le 6 septembre, dans lequel le jeune homme se réjouit de l'arrivée de ses frères et soeurs. "Les petits frères m'ont rejoint, la nouvelle génération de moudjahidines. Toute la famille au complet sur le sentier d'Allah Azzawaja, pour instaurer la loi d'Allah, Allahu Akbar !", s'enthousiasme-t-il sur sa page Facebook, à laquelle Europe 1 a eu accès.

"On est à Raqqa, c'est la guerre ici. Viens ici, tu vas voir comment ça se passe" 



- un des frères de Nadir dans une vidéo sur internet -  

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Les photos publiées sur le réseau social attestent de la présence de la famille en Syrie. On y voit notamment deux frères, âgés de 13 et 15 ans, poser armes à la main aux côtés de Nadir. Des jumelles, âgées entre 6 et 7 ans, font également partie du voyage.

Une vidéo, sur laquelle nous avons formellement identifié l'un des frères de la fratrie, circule depuis plusieurs semaines sur Internet. On y voit deux enfants, fusils d'assaut à la main, s'enorgueillir de faire la guerre en Syrie. "On est à Raqqa, c'est la guerre ici. Viens ici, tu vas voir comment ça se passe", lance-t-il en fixant la caméra. La justice, qui a examiné la vidéo, estime que ce jeune garçon, âgé d'à peine 10 ans, fait sans doute partie de la famille.

La suite de leur périple ? C'est le mystère. Le profil de Nadir a été fermé. Et la famille ne donne aucune nouvelle aux proches restés en France. Lors de l'ouverture d'une information judiciaire en août dernier, un juge d'instruction a été nommé, pour enquêter sur le destin et les agissements de cette famille en Syrie.

Selon les informations d'Europe 1, Mohammed est mort début juillet dans les combats et Nadir a été tué lors des premières frappes de l'armée américaine en octobre dernier. L'incertitude demeure sur leurs frères et soeurs. Mais dans leur quartier de Strasbourg, le voisinage semble persuadé que toute la fratrie est morte. Les enquêteurs, eux, restent prudents.

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Nadir (à gauche) encore adolescent, en boîte de nuit avec des amis.

Considéré comme un bon joueur, Nadir a ensuite rejoint le club de Schiltigheim, en banlieue strasbourgeoise.

Le dimanche, il avait ses matches de foot. En semaine, il devait trainer, faire des petites bêtises.

La famille s'est installée dans un quartier insalubre d'Anemasse, en Haute-Savoie.

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Écoutez le témoignage de l'ami d'enfance en cliquant ici

Nadir, entouré de ses frères en Syrie.

"Les petits frères m'ont rejoint,

la nouvelle génération de moudjahidines. Toute la famille

au complet sur le sentier d'Allah Azzawaja, pour instaurer la loi d'Allah"



- Message posté par Nadir sur Facebook -

Nadir poste des messages et des photos sur facebook de lui et ses frères.

Le jeune homme apparaît, en plein désert, kalachnikov à la main.

Avec ces photos, sa présence en Syrie fait peu de doute.


ENQUETE

Guillaume Biet - suivez-le sur Twitter en cliquant ici 
Frédéric Michel - suivez-le sur Twitter en cliquant ici 


TEXTES
Cécile Bouanchaud - suivez-la sur Twitter en cliquant ici 


REALISATION ET COORDINATION
Maud Descamps - suivez-la sur Twitter en cliquant ici 


INFOGRAPHIE 
Mickaël Robin - suivez-le sur Twitter en cliquant ici 


MONTAGE VIDEO
Aubin Raballand 

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